MYRIEM KARIM
Née à Nanterre en 1991, c’est par la danse que Myriem Karim aborde le rapport du corps à l’espace, et par la littérature qu’elle débute sa pratique photographique. L’œuvre du photographe Denis Roche lui fait découvrir un possible entrelacs – littérature et photographie -. En 2016, elle termine son cycle de Master en Lettres par une étude esthétique intitulée : (Des)saisissement du Temps avec Notre Antéfixe de Denis Roche, obtenue avec mention sous la direction du philosophe Pierre Zaoui à l’Université Paris Diderot.
Son travail photographique interroge notre rapport aux lieux et à la matière en alliant poésie et photographie, deux médiums qu’elle considère indépendants dans leur pratique mais complémentaires. Sa photographie raconte toujours l’histoire d’un corps et d’un espace paysagé mettant en relief leurs interactions et réciprocité, un regard posé à l’intérieur d’un paysage, une observation de lieux inhabités, naturels, qui questionne le rapport des traces et des empreintes mutuelles. Ses images revisitent des lieux qu’elle a déjà photographiés lors de pérégrinations aléatoires (Je suis venue ici, déjà 2018). Cette répétition fait partie intégrante de sa démarche artistique et les aléas de la photographie argentique lui permettent une approche expérimentale. À l’automne 2019, elle est lauréate de la Résidence 1+2 Factory à la Réserve naturelle régionale Confluence Garonne-Ariège en partenariat avec Nature En Occitanie. En 2020, elle obtient le Grand prix MAP / CD 31 et expose sa série « Nous habitons la nudité de notre corps ». La photographie de Myriem Karim est une quête de l’originel, la recherche de ce qui nous lie au monde et au temps.
Myriem Karim vit et travaille à Montpellier.
THÉMATIQUE(S) : Sciences géographiques et géologiques
Comment se (dé)forment les montagnes ? Quel âge ont les roches ? Comment prendre part au paysage et faire l’expérience de la cartographie ?
Dans les pas de Franz Schrader (1844-1924) créateur de l’orographe en 1873 : un outil à dessiner le relief ;aux Cirques pyrénéens de Gavarnie, Troumouse et Estaubé ; L’Empreinte des millénaires, explore les liens entre connaissance topographique d’un territoire et perception de l’espace qu’offre la photographie. À l’aune des sciences de la Terre, je me suis penchée sur l’évolution paysagère de ces anciennes vallées glaciaires en sondant notre mode d’être-au-monde.
Que décide t-on d’hériter d’un lieu ? Quelles fictions possibles s’y racontent et quels devenirs potentiels s’y jouent ?
Face à la finitude des montagnes, les cartes topographiques révèlent un instantané du lieu : un rapport à l’espace à un moment donné. Là où les courbes de niveaux traduisent reliefs et strates de l’empreinte géologique, lenteur du plissement intérieur et infini des roches.
L’orographe exprime une dynamique du regard. C’est un tour d’horizon situant le sujet au coeur des paysages – la vue n’est pas surplombante. Nous pouvons davantage l’appréhender à travers l’attachement aux lieux, que par le prisme de sa représentativité.
Pour l’incarner, j’ai emprunté au géologue Michel de Saint-Blanquat (Géosciences Environnement Toulouse / Observatoire Midi – Pyrénées) ; au géomorphologue Vincent Regard (Géosciences Environnement Toulouse / Observatoire Midi – Pyrénées) ; au géographe Jean-Paul Métailié (GEODE / Université Toulouse-2 Jean Jaurès); leurs outils de compréhension du terrain: variation des échelles d’observation des phénomènes, répétition des itinéraires photographiques, coupe géologique, méthodologie du transect. 1
La marche permet de traverser le territoire, qui nous traverse en retour, et de multiplier les points de vue. Le corps est pris dans une dimension relationnelle et sensible aux paysages. Le terrain est ressource et résistance. Il est une rencontre intime. Le sentiment de la nature advient. Auquel s’entrelace l’émouvance du paysage procurée par l’écoulement du temps et le mouvement dans l’espace. L’expérience esthétique du monde surgit dans la marche comme processus créatif. Le corps est engagé dans la contemplation du cosmos des choses.
Tout devient flux, immersion, sérendipité.
1. Traversée, selon une ligne imaginaire et verticale, d’un espace géographique afin d’en analyser les composantes paysagères.